30 décembre 2006

2 poids, 2 mesures pour la corruption de la justice

Les faits sont établis par les conclusions de l’Inspection générale de l’administration de la justice sénégalaise (Igaj). Ils mettent en cause principalement l’Avocate générale près la Cour de Cassation. En résumé, les corrupteurs donnent de l'argent et ils vont en prison. Quand aux magistrats corrompus, ils gardent l'argent et restent en liberté.
A mon avis, il faudrait une "Ré-inspection sur-générale
de l’Inspection générale de l’administration de la justice sénégalaise (RSIgaj) pour revérifier les faits.

Bébé Cadum


MAGISTRATURE
15 millions de francs Cfa sous les toges : la justice touche le fonds… de la corruption !

L’histoire retiendra que c’est en 2006 que la corruption au sein de la magistrature, toujours rouspétée, a été découverte. La somme de 15 millions de francs Cfa a été cachée sous les robes rouges et noires des magistrats pour influer sur un verdict. Alors que les civils corrupteurs croupissent en prison, les magistrats corrompus ont été épargnés de sanctions pénales. Paradoxe d’un dossier.

Dans un pays où presque tous les secteurs voient rouge, celui de la magistrature s’est tristement illustré en 2006. Elle a, en effet, connu une noire page de son histoire, pour avoir été secouée par une histoire de corruption. Une histoire d’argent d’un montant de quinze millions de francs Cfa injectés pour soudoyer des magistrats intervenant dans un dossier pendant devant une chambre correctionnelle du Tribunal régional hors classe de Dakar.

Le pot aux roses a été découvert après que les radios privées ont passé, en boucle, la conversation de la transaction au sommet de la justice sénégalaise. La Justice de la honte. Les faits établis par les conclusions de l’Inspection générale de l’administration de la justice (Igaj) mettent en cause l’Avocate générale près la Cour de Cassation, Aminata Mbaye, chargée de distribuer le pactole de la corruption à ses collègues Cheikh Bamba Niang, Théophile Turpin et les greffiers Yabal Dieng et Mamadou Diop. A ces derniers de faire en sorte que le délibéré du Tribunal tourne en faveur de Momar War Seck qui a escroqué le nommé Mohamed Guèye de la somme de 100 millions de francs Cfa. En face de ce lot de corrompus issu de la famille judiciaire, se dressent les civils corrupteurs dont le «cerveau» serait Djiby Ndiaye, ex-gérant du groupe de presse Futurs médias, Momar War Seck et Rawane Fall le porteur de valise.

Seulement, dans cette histoire puante, la Justice n’a pas su laver à grande eau l’impureté qui a fini de la maculer. Et, les justiciables ne se remettent pas encore de ce grave incident… d’audience en pleine marche de la Justice. Au même moment, les toges rouges et noires ont du mal à se remettre de ce fort et surprenant vent d’été qui a exhibé le mal enfoui sous les robes. C’est que la grande dame, qui a le droit d’agir sur la marche du temps des citoyens, avait mal. Mal de voir ce qu’elle a de plus vil, se mettre à nu. Et, l’affaire dite de la corruption dans la magistrature de dérouler singulièrement son tapis hideux, qui laisse s’étaler des incompréhensions, des surprises, des déceptions etc… Déception en ce sens que, malgré les déclarations d’intention à l’image de Me Wade, qui avait juré de sa volonté «d’aller jusqu’au bout dans cette affaire», les sanctions appropriées n’ont jamais été prononcées contre les hommes de la Justice.

DEUX POIDS, DEUX MESURES

En effet, une véritable mascarade coercitive et un traitement discriminatoire ont enveloppé ce dossier. Pendant que les personnes civiles, présumées corruptrices, sont placées sous mandat de dépôt à la suite d’une audition par la Division des investigations criminelles (Dic), seules des sanctions disciplinaires sont prononcées contre les magistrats. Ce traitement de faveur est d’autant plus inquiétant qu’il promeut la loi du deux poids deux mesures, dans cette affaire. Car, les textes de loi, qui définissent les sanctions pénales applicables à ce genre de forfaiture, mettent les corrupteurs et les corrompus sur le même pied. Et au lieu d’appliquer la loi dans toute sa rigueur, ne serait-ce que pour donner un signal fort aux autres magistrats tentés par des pratiques corruptrices, les pouvoirs publics ont mis la pédale douce.

Cette attitude jugée scandaleuse s’apparente à une caution à de tels actes. En ce sens que les fautifs ne sont passibles d’aucune peine. En lieu et place d’une radiation, comme le recommande le Code pénal, la pièce maîtresse du schéma de la corruption dans la magistrature, Mme Mbaye, a été envoyée à la retraite anticipée. Ce qui lui permet de garder tous ses avantages liés à sa désormais ex-fonction d’Avocate générale près la Cour de Cassation. Pendant ce temps, les juges Turpin et Niang sont mutés dans d’autres juridictions avec une interdiction d’exercer les fonctions de chef de juridiction pour une durée de cinq ans. Autre scandale dans ce scandale de la corruption, c’est la suite qui sera donnée aux millions de francs Cfa laissés entre les mains de Aminata Mbaye. Mieux, tout au long de la procédure d’enquête, la restitution de l’argent n’a été évoquée alors que la magistrate se la coulerait douce au Canada.

Pour ce qui est des auxiliaires de justice concernés par ce scandale, si le greffier Mamadou Diop a quitté sa cellule de Reubeuss, pour avoir bénéficié de la liberté provisoire, son collègue Yabal Dieng a pris la fuite sans que des recherches soient entreprises pour suivre sa trace. D’ailleurs, les incohérences notées dans la gestion de ce dossier se poursuivent avec la récente mise en liberté provisoire, par la Chambre d’accusation, de Rawane Fall, la semaine dernière. En attendant que le dossier révèle d’autres secrets, d’autres… scandales.

Auteurs : Ndiaga NDIAYE et Mamadou Diallo