Enfouissement d'ordures... et de xalis
Modou Diagne Fada au centre d'un détournement de 475 millions
On en sait un peu plus sur le centre d'enfouissement des ordures de Thiès. Ce marché pour lequel la Division des investigations criminelles est saisie comporte des irrégularités tant au niveau de son attribution que de son pilotage. En effet, sur la base de documents dont Le Quotidien a des copies, il relève que le marché d'un coût de 475 millions de francs Cfa a été payé à l'entrepreneur à hauteur de 90% alors que les travaux n'ont pas été effectués. Sans compter sa passation par entente directe à la Senes qui a aussi fait les études en violation des textes qui régissent le Code des marchés.
Source : Le Quotidien
Modou Diagne Fada au centre d'un détournement de 475 millions
A la place des ordures, ce sont des centaines de millions de francs Cfa qui ont été engloutis par la décharge contrôlée de Thiès sans que le chantier ne soit réalisé comme convenu dans les termes du contrat. Lequel contrat a été signé entre le ministère de l’Environnement et de l’Assainissement alors dirigé par Modou Diagne Fada et le Cabinet Senes. Seulement, il apparaît, deux ans après le démarrage des travaux, finalement arrêtés sans raison, nombre d’irrégularités liées au non-respect des termes du contrat et des procédures légales d’attribution de marché et de paiement des prestations. D’où la saisine, par l’actuel ministre de l’Environnement, Thierno Lô, de la Division des investigations criminelles (Dic) aux fins d’une enquête.
Ce marché relatif à la réalisation d’un centre d’enfouissement technique ou décharge contrôlée de Thiès était conçu dans le cadre des travaux pour l’Indépendance 2004 à la ville de Thiès. Mais, ce volet d’assainissement, alors confié au ministère de Modou Diagne Fada, révèle des dessous surtout dans l’attribution du marché. D’une part, dans le dossier transmis aux limiers de la Dic, il relève que c’est la Senes qui a gagné les marchés des études et de la réalisation du marché. Or, la loi dit «qu’on ne peut pas, dans un même marché, être le bureau d’études et le réalisateur des travaux». D’autre part, l’attribution du marché de la réalisation du centre d’enfouissement suscite des doutes compte tenu de la nébuleuse qui l’entoure. En effet, dans une lettre de la Commission nationale des contrats des marchés de l’administration, on relève que le marché a été attribué à la société Senes en violation des procédures normales. En effet, par lettre n°001/Mea/Sage/Sp du 5 janvier 2004, «le chef de service de l’Admi-nistration générale et de l’équipement du ministère de l’Environnement a demandé à la Cnca de passer, par entente directe, le marché», en évoquant le problème de délai à respecter pour livrer le marché à la date du 4 avril 2004. «Compte tenu des procédures, il n’est pas possible de procéder à un appel d’offres pour le choix de l’entreprise», lit-on dans la correspondance. S’y ajoute une recommandation selon laquelle «la Senes apparaît comme seule apte à réaliser les travaux dans les délais requis». QUI PROTEGE QUI ? Pourtant, malgré cette recommandation jugée «douteuse», l’entreprise choisie par les services de Modou Diagne Fada n’a pas encore livré le marché. Alors que «le délai d’exécution est fixé à quatre mois à partir de la date de notification du marché», mentionne-t-on dans le contrat qui a été approuvé le 25 février 2004. Dans le même contrat dont Le Quotidien a une copie, il est indiqué que «la Senes devra exécuter les tâches (…) du présent contrat. Il ne sera accordé aucune tolérance sur les tâches à exécuter. Dans le cas où la Senes manquerait à ses obligations, il lui sera appliqué une pénalité». Mais, ces dispositions du contrat n’ont jamais été appliquées malgré les défaillances constatées dans le marché. Conçu pour une durée maximale de 4 mois, voilà deux ans que les travaux ne sont même pas réalisés et aucune action contraignant la Senes à respecter ses engagements n’ait été entreprise. Pire, l’on constate que 380 sur les 475 millions de francs Cfa, représentant le montant total du marché, ont été encaissés par la Senes par des virements bancaires dans le compte n° 36018356 ouvert à l’agence de la Cbao, sise à Soumbédioune. Les sommes ont été payées en trois tranches les 20, 31 mars et 20 septembre 2004 et dont les valeurs respectives sont de «153 millions, 109,069 millions et 118,646 millions de francs Cfa». En effet, l’on confie que les montants ont été décaissés sur la base de «procès verbaux de réception de complaisance». D’ailleurs, souffle-t-on «qu’à ce niveau de paiement, le chantier devait être livré. Ce qui n’est pas le cas». Ainsi, lit-on dans les procès verbaux que les travaux ont été réceptionnés par le directeur technique de la Senes et le chef de Service de l’Administration générale et de l’équipement (Sage) du ministère de l’Environnement. Or, dans le contrat, il est arrêté que «les prestations de la Senes seront payées au vue des mandats établis par l’administration sur la base des prestations effectuées». Raison pour laquelle l’on s’étonne que les prestations puissent être honorées sans être effectuées par l’entreprise contractante. Pourquoi la Senes a-t-elle pu être payée sans avoir effectuer le travail pour lequel elle a été engagée ? Qui a ordonné le paiement des prestations qui ne sont pas faites ? Pourquoi n’a-t-on pas mis la pression sur cette société depuis plus de deux ans ? C’est à ces questions que la Dic va essayer de chercher des réponses auprès des services du ministère de l’Environnement et de la Senes.
LA VERSION DE FADA
Interpellé sur le dossier du centre d'enfouissement technique, l'ancien ministre de l'Environnement Modou Diagne Fada se défausse sur l'entreprise. Selon ses explications les études mal évaluées par la Senes ont conduit à l'arrêt du chantier. Ce à quoi s'ajoute le refus des populations d'admettre le projet dans leur localité, d'où le retard constaté dans la livraison du chantier.
L'ancien ministre de l'Environnement, Modou Diagne Fada, dit être très à l'aise avec le dossier du centre d'enfouissement technique de Thiès, convaincu de n'avoir pas commis une faute dans sa gestion. «C'est l'entrepreneur qui a fauté pour avoir demandé une somme avec laquelle il ne pouvait pas honorer ses engagements» résume-t-il. En effet, confie-t-il, un problème d'évaluation du coût s'est posé en ce sens que «les techniciens qui ont fait l'étude du marché n'ont pas vu juste. C'est au cours des travaux que l'entreprise s'est rendu compte qu'elle ne peut plus faire le marché avec le montant de 475 millions de francs Cfa. D'ailleurs, nos vérifications auprès des amis européens nous ont fait savoir qu'il faut 1 milliard de francs Cfa pour faire un centre d'enfouissement technique».
Pourtant, l'ancien ministre de l'Environnement et de l'Assainissement explique que «la Senes a été retenue après qu'elle a proposé les meilleurs prix à la suite d'un appel d'offres. Elle était la moins chère et on lui a donné le marché pour permettre à l'Etat de faire des économies». Seulement, reconnaît-il que la durée des travaux était fixée à quatre mois. Et pour expliquer les raisons du retard constaté dans la livraison du marché, le ministre indique que «ceci n'est pas dû à la mauvaise volonté de la Senes. Car, dès l'entame des travaux, les populations de la localité se sont levées pour s'insurger contre l'érection du centre dans le site. Ces habitants avaient cru qu'il s'agissait du transfert de la décharge de Mbeubeuss dans leur localité, ce qui n'est pas le cas». En effet, poursuit M. Diagne Fada «le chantier a été même attaqué par des individus non identifiés contraignant l'entreprise à arrêter le chantier».
Néanmoins, malgré cet impair, Fada révèle avoir entamé des négociations avec les populations. Seulement il quitte le gouvernement avant la fin des pourparlers. Ainsi, s'étonne-t-il que son successeur, «Thierno Lô, n'ait pas continué la médiation pour faire revenir les populations à la raison». Autre motif d'étonnement de Modou Diagne Fada, c'est le fait que son successeur soit resté plus de 16 mois pour porter le dossier devant la justice. «Pourquoi ne l'a-t-il pas fait deux mois après avoir été nommé ministre de l'Environnement ?», s'interroge M. Diagne.
Par ailleurs, Fada regrette que l'on dise que l'entreprise n'a rien fait dans le chantier. A l'en croire, «les travaux avaient bel et bien commencé. On en était à l'installation des casiers avant que la Senes ne constate l'insuffisance du budget». D'ailleurs, rappelle-t-il, «le directeur de la Senes a rencontré Thierno Lô pour lui demander un avenant pouvant lui permettre de continuer les travaux mais, ce dernier n'a pas répondu favorablement».
Quid du paiement des 380 millions à l'entreprise alors que les prestations ne sont pas effectuées ? Modou Diagne Fada convoque la procédure : «Pour l'installation du chantier, une avance de 15% est accordée à la Senes pour le démarrage des travaux. Ensuite un deuxième décompte lui a été versé après que les techniciens ont fait un rapport technique à la suite des supervisions. C'est au moment de faire le troisième décompte que la Senes s'est rendu compte de l'impossibilité d'honorer ses engagements.»
Du côté de la Senes, il est impossible de joindre le directeur général ou un membre du personnel. Les numéros de portable de son directeur général, El Hadji Habibi Diémé, dont nous disposons ne sont plus fonctionnels. Le téléphone fixe de la société sonne deux jours durant sans réponse.
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